Mes chroniques

« Une évidence » de Agnès Martin-Lugand

De tous les romans d’Agnès Martin-Lugand, Une Évidence est celui qui m’a le plus bouleversée. Profondément. Après des semaines, les personnages flottaient encore autour de moi, accompagnant mes pensées, s’accrochant à mon souvenir. Ce livre s’inscrit dans mon top incontesté de l’année, probablement même à la première place. Et je vous raconte tout de suite pourquoi.

Dans le coeur d’une femme

Une Évidence, c’est avant tout l’histoire d’une femme, Reine. Une femme, mais surtout une mère. Il y a 17 ans, elle a fait le choix de revêtir exclusivement ce costume en élevant seule son fils, Noé. Quitte à reléguer au second plan les autres facettes de sa vie de femme. Pourquoi ? C’est un mystère, mais on comprend rapidement qu’il s’agit d’un choix qui pèse encore sur son présent.

L’amour maternel

Toutes les grandes émotions de la vie maternelle sont si justement dépeintes au travers des pensées de Reine qu’elles résonnent forcément dans le coeur des initiées. Le don inconditionnel de soi malgré le temps qui passe. L’amour indéfectible même quand on ne reçoit plus autant en retour. La difficulté de laisser son enfant s’envoler même quand on sait l’échéance inéluctable.

Toutes les nuances de l’amour maternel sont là, dans leur beauté et leur complexité.

Je m’étais toujours refusée d’être une mère poule envahissante, pourtant élever seule mon fils aurait excusé une telle attitude, mais Noé, lui, aurait pu ne pas le supporter et étouffer par ma faute. À la place, j’avais choisi de lui offrir la liberté, la confiance, et surtout, je m’estimais chanceuse. Notre complicité nous permettait de rester proche malgré les années qui filaient inexorablement.

La relation qui s’est construite entre Reine et son fils est aussi pudique que solide. C’est, au fond, le propre des relations que deux êtres construisent quand ils ne peuvent compter que l’un sur l’autre, pour le meilleur comme pour le pire. Cette exception magique de ceux qui ont vécu les galères ensemble…

Le poids de la culpabilité

Cependant, derrière ce tableau en apparence idyllique, plane comme une forme d’insécurité. Reine n’est pas fière de son passé. Elle a fait des choix, les a assumé. Toutefois les secrets menacent de mettre en péril tout se qu’elle a mis tant d’amour et d’énergie à construire. On s’aperçoit progressivement, à mesure que l’on partage sa vie personnelle et professionnelle, que son bonheur est réellement en sursis. L’échéance approche, le présage se confirme…

Avant que tout explose, je voulais m’autoriser à vivre encore un peu.

Et quand son passé finit par la rattraper, on voit une femme dans la tourmente. Une femme qui, face à des choix dont aucun n’était le bon de toute façon, a dû prendre ses responsabilités. Et en paie désormais le prix fort.

Il y a des moments où tout s’arrête, où l’on voit sa vie défiler en l’espace d’un quart de seconde. C’est effrayant, c’est déstabilisant, surtout qu’on ne peut pas lutter contre. Il y aura un avant, un après.

Prise dans cette vague de remords et de regrets, de « pourquoi » et de « si seulement », Reine tente toutefois de rester digne. Et malgré les réactions en chaîne et les flots de reproches qui l’assaillent, elle tentera de se battre pour conserver ce qui compte le plus pour elle : le bonheur de son fils.

Des personnages intenses et profonds

Agnès Martin-Lugand parlant de son rapport à ses personnages
Agnès Martin-Lugand lors d’une séance de dédicace près de Rouen

C’est indéniable, Agnès Martin-Lugand a un don pour peindre des personnages vivants, vibrants, qui nous émeuvent et nous ressemblent.

D’ailleurs, j’ai eu la chance de l’entendre parler d’Une Évidence lors d’une séance de dédicace près de chez moi. L’attachement qu’elle porte à Reine ainsi qu’aux autres personnages est poignant. Ils ont vécu à travers sa plume, ont existé de toutes leurs forces, et lui ont même soufflé la fin de l’histoire.

Pas étonnant, alors, qu’ils atteignent un tel niveau de profondeur et d’émotion.

Reine, une femme déchirée

Vous l’avez deviné, j’ai eu un réel coup de coeur pour le personnage de Reine. Elle est tellement humaine, forte et vulnérable à la fois. Elle tente toujours de faire des choix pour le mieux, même si parfois la lucidité lui fait défaut. Cela dit, soyons honnêtes : c’est tout sauf simple d’être une mère. On a peur, on tourne le problème dans tous les sens, on fait avec ses sentiments, on tranche, on assume, on se plante, on répare, et on recommence. Être mère n’est pas une science exacte. Bien au contraire. On apprend tous les jours, de nos victoires comme de nos erreurs, mais rien ne nous dit que notre choix d’aujourd’hui ne sera pas notre drame de demain. En ça je me sens proche de Reine, de ses problèmes, de ses faiblesses.

Cependant, le roman soulève une autre question qui pourrait mériter un article à elle seule : comment être aussi une femme quand on est une mère avant tout ? Le dilemme se pose réellement dans la vie de Reine. Elle qui a tout donné pour son fils et sa carrière, qui s’est privée de sa féminité pour assumer pleinement son rôle de mère, peut-elle désormais prétendre à entamer une vie pour elle, en tant que femme ? Peut-elle également exister pour cela ? Je crois que nous sommes beaucoup à faire face à cette problématique, n’est-ce pas ?

Noé, Paul et Pacôme, les hommes de sa vie

Enfin, difficile d’évoquer les autres personnages sans vendre la mèche sur l’histoire. Mais j’avoue que même si j’ai parlé en majorité de Reine, les différents hommes de sa vie ne sont pas en reste en termes d’intérêt et de profondeur.

Je pense à Noé, l’ado qui se cherche et qui est déchiré entre son amour pour sa mère, ses envies de liberté, son manque de (re)pères, sa vie d’adulte qui se dessine… Un portrait beau et juste d’un ado élevé dans l’amour et les belles valeurs de famille.

Je pense à Paul, indéfectible béquille, qui, en plus de ne jamais se départir de sa classe, fait preuve d’un dévouement et d’un soutien émouvant à Reine et son fils, même dans les heures les plus sombres.

Je pense enfin à Pacôme, l’insondable Pacôme, corsaire impétueux qui nous fait aimer la mer, l’amour, la liberté et les remparts de Saint Malo…

D’ailleurs, vous ai-je dit que le roman se déroule entre Rouen et Saint Malo ? Sachant que j’habite à Rouen et que j’ai lu le livre 3 jours après avoir été en vacances à Saint Malo ? Petite coïncidence, mais qui n’a fait que rendre le récit encore plus vivant et palpable pour moi !

En conclusion

Pour conclure, j’ai été terriblement émue par l’histoire de Reine, Noé, et les autres. La fin, tellement imprévisible, est aussi bouleversante que bien trouvée. Les personnages sont entrés dans ma vie comme de vieux amis qui me suivent encore de temps à autre. Pour moi, Agnès Martin-Lugand signe là son meilleur roman (et ce n’est pas peu dire car je suis fan des précédents).

Afin de clore cet article, j’ai le plaisir de vous partager la playlist qui a accompagné la rédaction de cet ouvrage. Car oui, Agnès Martin-Lugand partage à chaque roman les chansons qui l’ont inspirée durant sa phase de création. J’aime tellement cette idée ! Alors profitez, régalez-vous de ces notes et surtout… foncez acheter Une Évidence si ce n’est pas déjà fait !

La playlist qui a accompagné l’écriture d’Une Évidence

Et vous, l’avez-vous lu ? Qu’en avez-vous pensé ? Avez-vous autant aimé que moi ou avez-vous été déçu(e)s. N’hésitez pas à m’en dire plus en commentaires !


Rappel de la quatrième de couverture

Faut-il se délivrer du passé pour écrire l’avenir ?

Une Évidence de Agnès Martin-Lugand

Reine mène une vie heureuse qu’elle partage entre son fils de dix-sept ans et un métier passionnant.

Une vie parfaite si elle n’était construite sur un mensonge qui, révélé, pourrait bien faire voler son bonheur en éclats…

3 réflexions au sujet de “« Une évidence » de Agnès Martin-Lugand”

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