Mes chroniques

Une toute petite minute de Laurence Peyrin

Il y a des sorties d’auteurs que je ne manquerais pour rien au monde. Si vous suivez ces colonnes, vous savez que Virginie Grimaldi et Agnès Martin-Lugand en font partie. Cependant, une troisième autrice a le don de surclasser tous les autres ouvrages de ma PAL à chaque nouveau roman. Il s’agit bien entendu de Laurence Peyrin. C’est grâce à elle que nous avons vibré avec Maggie dans l’Aile des Vierges, souffert avec Angela dans Miss Cyclone, ou encore taillé la route avec Joanne dans Les Jours Brûlants. C’est donc avec un plaisir non dissimulé que je vous parle aujourd’hui de ma dernière lecture en date : Une toute petite minute.

Une quatrième de couverture intrigante

Il n’aura suffit que de quelques mots pour attiser ma curiosité, et me donner envie de plonger dans les secrets de Madeline :

« Il a suffi d’une toute petite minute, et la vie de Madeline a basculé.

C’était une nuit de 1995, elle avait 17 ans et fêtait la nouvelle année. Que s’est-il passé dans cette salle de bains où elle s’était enfermée avec sa meilleure amie ? Vingt ans après, Madeline sort de prison. Personne n’a jamais su la vérité sur le drame de cette fameuse nuit. Elle a effectué sa peine jusqu’au dernier jour.

Comment reprendre le cours de cette vie interrompue ?
Parler à des gens qui ne savent pas de quoi on est coupable ?
Renouer avec une petite sœur qu’on n’a pas vue devenir adulte ?
Vivre et y trouver un sens ?

Mad va chercher le bon chemin, pas après pas, dans les dunes des Hamptons, dans les jardins des belles maisons qui l’embauchent, dans les précieux gestes d’entraide. Et grâce à sa mère, au-delà de ses mystères, grâce aussi à Ezra, le cuisinier qui ressemble à un pirate, peut-être Madeline acceptera-t-elle un jour qu’on puisse l’aimer quand même…

Sans doute le roman le plus fin et le plus bouleversant de LaurencePeyrin. »

Quelques secondes pour une vie

L’histoire commence avec la Madeline du passé. Celle de 17 ans. Pleine d’espoir et de sentiments, à l’aube d’une nouvelle année qui commence. Celle qui ne sait pas que déjà à son âge, on a suffisamment les commandes de sa vie pour conditionner les vingt années qui vont suivre. Celle qui va, sans l’imaginer, `laisser quelques secondes changer à tout jamais le cours de son existence.

C’est finalement portée par cette terrible interrogation que débute notre lecture : comment une toute petite minute, une bêtise de jeunesse, modifiera profondément la femme que Madeline aurait dû être. Elle qui avait tout : l’argent, la bonne position, la bonne famille, roulait sans aucun doute possible vers un avenir brillant. Superficiel et dénué de sens, certes, mais brillant.

Pourtant, à la lueur de quelques instants tragiques dans une salle de bains, c’est une autre femme qui va naître cette nuit-là. Une femme qui assume l’entière responsabilité de son acte. Une femme qui ne tolèrera aucune défense, aucun apaisement, pour adoucir le poids de sa culpabilité. Une femme brisée mais tellement belle dans sa droiture. 

D’ailleurs on se prend maintes fois à douter, durant toute la durée du récit : l’a-t-elle vraiment fait ? Était-ce un accident ? A-t-elle voulu couvrir un geste de son amie ? Quelle haletante frustration de ne pas réellement savoir ce qu’il s’est passé…

Pour comprendre tout ce qui a fait de Madeline ce qu’elle est aujourd’hui, Laurence Peyrin nous offre alors, au travers de deux lignes temporelles qui finiront par se rejoindre, le portrait croisé de son héroïne. L’une à son entrée en prison, son chemin de croix, ses choix, ses peurs, sa force et sa douleur. Et puis celle qui vient de sortir. Et qui va devoir apprendre ce qu’est la (vraie) vie.

Entre culpabilité et rédemption

Car même si l’histoire a son ancre bien plantée dans le passé, c’est finalement l’avenir de Madeline qui se joue ligne après ligne. Cette femme qui s’est bâti un nom, Mad, et une réputation entre les murs de sa prison. Cette femme qui a appris à se passer de ceux qu’elle aime, à l’intérieur comme à l’extérieur. Mais qui, du jour au lendemain, doit être ce qu’elle n’a jamais eu la chance d’apprendre à devenir : une personne « normale ».

Comment être une femme de 38 ans quand on n’en a jamais été une de 20, ni de 30 ? Comment être une fille apaisée quand on n’a toujours ressenti que de l’animosité adolescente envers sa mère, sans vraiment tenter d’apprendre à connaître ses failles et ses faiblesses ? Comment être une grande soeur présente, quand on a été pendant toute sa jeunesse celle dont on ne doit pas prononcer le nom ?

On regarde Madeline, pour qui il est déjà difficile de marcher dans des espaces à ciel ouvert, faire face à tant de défis qu’on ne soupçonne même pas. Dont certains nous paraissent même complètement anodins. Sauf que rien n’est anodin quand on sort de 20 ans de détention. Et rien n’est facile non plus, quand on a le poids de la culpabilité enchaîné à son âme.

Parce qu’au fond tout l’enjeu est là. A-t-on le droit de vivre quand on a donné la mort ? A-t-on le doit au bonheur quand on a laissé sortir de soi le plus sombre, même l’espace d’une toute petite minute ? Seule Madeline détient la réponse à cette question. Et c’est entre les dunes et les jardins de Montauk qu’elle va tenter d’y trouver la clé.

Une héroïne à la Laurence Peyrin

Pour moi, ce qui fait un des talents de Laurence Peyrin, c’est ce don de nous dépeindre des figures féminines incroyablement magnifiques. Dans toute la profondeur de leur complexité. Avec leurs paradoxes, leurs failles, leurs désirs et leur courage. Elles me bouleversent toutes, ces femmes, car elles sont profondément humaines et pour autant profondément transcendées par leur faculté de résilience. Et Madeline ne déroge pas à la règle, bien au contraire.

J’ai adoré ce portrait. J’ai adoré, aussi, cette manière que l’autrice a eu de soulever des questions que l’on ne se pose jamais sur ces vies brisées. Sur l’infini difficulté d’arriver à trouver la voie du bonheur quand on a fait du pire sa zone de confort. Mais aussi sur le fait qu’aucune peine purgée ne peut valoir celle qu’on s’inflige à soi-même. 

Et vous, l’avez-vous lu ? Laissez-moi un petit commentaire pour me dire si Madeline vous a touché comme elle m’a touchée !

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