Mes chroniques

La femme qui n’aimait plus les hommes d’Isabelle Le Nouvel

Lorsque j’ai aperçu le roman d’Isabel Le Nouvel sur le compte Instagram des éditions Michel Lafon, j’ai su qu’il allait rejoindre ma pile à lire sans attendre. Ce qui a résonné en moi ? La ligne de vie apparemment commune de sa Jeanne et de ma Victoire. Le titre, comme un couperet implacable. Et cette couverture… qui, à mes yeux, dégage une émotion vraiment saisissante.

La quatrième de couverture

Jeanne a tout pour être comblée : une carrière d’écrivain en pleine ascension, un mariage avec un intellectuel influent, une vie dans les beaux quartiers. Pourtant, tous ces signes extérieurs de bonheur ne font qu’occulter une réalité sordide. En ce soir d’automne, parce que son mari l’humilie une fois de plus, parce qu’il la terrorise une fois de trop, Jeanne va rassembler ce qui lui reste de forces pour s’extraire enfin de cette relation toxique.

Ce sursaut vital fait ressurgir en elle le souvenir d’autres violences, qu’elle n’a eu de cesse de vouloir refouler sa vie durant. Jeanne comprend qu’elle devra emprunter à rebours, et seule, le chemin plein de déni sur lequel elle avait toujours refusé de retourner. Mais la route sur laquelle elle s’engage mêlera la violence du présent à celle du passé…

Une plume magistrale

Il est toujours difficile de démarrer des ouvrages dont on sait qu’ils vont aborder des thèmes aussi déchirants. Personnellement, je sais que c’est l’approche de l’auteur, dans sa manière de nous livrer l’histoire, qui sera décisive. Je n’ai, par exemple, pas eu la force de continuer My Absolute Darling de Gabriel Tallent au-delà du troisième chapitre. Pourtant les commentaires étaient dithyrambiques. Mais je n’ai pas pu faire face à la dureté de ses mots et de cette réalité sans fard.

La lecture de « La femme qui n’aimait plus les hommes » a été bien différente pour moi. Quelle plume subtile, élégante, et en même temps tellement puissante. Cette manière de ne pas achever les phrases quand les faits dépassent le supportable, tant pour son esprit à elle que pour notre coeur à nous. J’ai été complètement bouleversée par cet art de nous immerger dans les émotions de Jeanne, alors que tout le roman est raconté à la troisième personne. Quel talent.

À chaque instant, nous sommes en prise directe avec ses tripes.

On vit l’innommable à travers chacune de ses pensées. On assiste à son rituel mental pour s’échapper de son corps, pour verrouiller ses douleurs et bâillonner son esprit. Son rituel. C’est terrible parce que l’on sent, puis ensuite on sait, qu’elle a l’habitude, Jeanne, de fuir l’enfer sur terre.

Dans une seconde ligne temporelle, on tire avec elle le fil jusqu’aux origines de la souffrance. Jusqu’au moment où elle a cessé d’être elle-même. Où on lui a enlevé ce privilège sacré d’avoir le droit d’exister :

« Longtemps, elle avait voulu guérir. Puis elle avait arrêté. Le jour où elle avait compris qu’on ne guérit pas d’être morte. »

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Et puis la fin

Impossible d’en dire trop sur les derniers instants de l’oeuvre.

Si ce n’est que plus les pages s’écoulent plus le récit rejoint le présent… Puis arrive le coup de poignard en plein coeur qui répond à la sourde question distillée tout au long du roman. Les mots s’entrechoquent pour lever le voile sur l’horreur, une dernière fois.

Comme un frisson qui nous laisse le coeur glacé et nous tire les larmes une dernière fois.

Pour conclure, j’ai souffert, et souvent reposé le livre avec la gorge serrée et le ventre noué par ce récit organique et glaçant. Il faut être prêt à cela lorsqu’on entame la première page. Mais bien au-delà de ça, je me suis laissée envelopper par la virtuosité des phrases d’Isabelle Le Nouvel.

De tels drames devraient toujours être racontés avec un tel talent. Parce qu’au fond c’est ça, “La femme qui n’aimait plus les hommes”. Un récit qui fait mal pour le bien.

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